Le transport fluvial permet d’allier barges et vélos cargos ou véhicules propres comme alternative au tout camion, et ce dans un large éventail de secteurs d’activité. Insuffisamment connues, elles présentent souvent un potentiel de reproductibilité. Connaître la diversité des solutions existantes permet d’inspirer de nouveaux déploiements.
Le transport fluvial présente de nombreux atouts. Il est économe en énergie et donc en émissions de CO2, son utilisation permet de réduire la congestion sur la route et limite également l’occupation de l’espace public. Il est aussi peu bruyant. Il est encore très dépendant des énergies fossiles mais il commence à relever le défi de la décarbonation. Il s’est donné des objectifs ambitieux en la matière et des projets innovants sont développés. La logistique fluviale est une des solutions pour aller vers une logistique urbaine plus durable.
Le 14 décembre 2021, le programme InTerLUD a organisé un webinaire national sur la logistique urbaine fluviale. Les nombreux participants issus des collectivités, des acteurs économiques des territoires et de la logistique et du transport fluvial ont échangé sur les différentes solutions et leviers d’action partenariaux pour développer la logistique fluviale au service des territoires.
Les livraisons de colis et marchandises en ville : de la route à la voie d’eau
À Paris, depuis plusieurs années, Fludis propose une solution de logistique urbaine dans Paris intra-muros. L’acheminement quotidien des colis et des marchandises au cœur de Paris est assuré par un bateau-entrepôt électrique. La préparation de commande est effectuée à bord et la livraison finale est assurée par des vélos cargos à assistance électrique.
À Strasbourg, depuis plus de deux ans, ULS (Urban Logistic Solutions) livre des colis, de la farine et d’autres marchandises dans l’hyper centre de Strasbourg à l’aide d’une barge. Le service assure trois rotations quotidiennes. La livraison des clients est réalisée à l’aide d’une quinzaine de vélos cargos à assistance électrique.
À Lyon, en juin 2021, VNF a lancé un appel à projets en partenariat avec la ville de Lyon, la Métropole de Lyon et la CNR. L’objectif est de mettre en œuvre un service de logistique urbaine fluviale avec un post-acheminement terrestre en véhicules propres respectant la ZFE (trois sites en rive droite du Rhône étaient mis à disposition). À l’automne, ULS a été désigné lauréat pour l’un des trois sites et se prépare pour une mise en service au printemps 2022. D’autres projets sont à l’étude.
À Toulouse, un appel à manifestation d’intérêt a été lancé avec une remise des candidatures le 30 octobre 2021. Ici l’objectif est de faire émerger des acteurs économiques et des idées dans la perspective d’aller vers des projets concrets au travers d’un futur appel à projets.
À Paris, depuis 2012, il existe une autre forme de logistique plus massifiée, la livraison de palettes conteneurisées aux magasins de Paris intra-muros d’une enseigne de la grande distribution (Franprix).
Des solutions adaptées au BTP et à la gestion des déchets
Le BTP et les déchets sont des secteurs d’activité générant des flux de transport importants, qui peuvent être massifiés et pour lesquels la logistique fluviale est une solution éprouvée et répandue.
En Île-de-France, les matériaux de carrières indispensables au développement de l’urbanisation sont en partie acheminés par la voie d’eau. Aujourd’hui les approvisionnements de chantiers et même de plateformes de matériaux à destination de particuliers se font par la voie d’eau qui transporte les granulats, le ciment, les aciers, des pièces préfabriquées et matériaux conditionnés sur palettes ou en big-bag. Exemple de Point P.
Le projet Grand Paris Express et l’organisation des Jeux olympiques Paris 2024 font appel à la logistique fluviale. Par exemple, la Société du Grand Paris (Grand Paris Express) évacue les déblais de chantiers et les déchets et les matériaux de démolition dans une perspective de réutilisation.
Une barge innovante, venue de Belgique où elle est opérationnelle depuis plusieurs années (4 barges construites), arrive en France (barge ZULU de Sogestran – Blue Line Logistics). Cette barge permet de transporter des matériaux de construction palettisés. Potentiellement elle peut transporter des marchandises sous différents conditionnements (palettes, big-bag et conteneurs) et sa grue hydraulique embarquée sur rail peut être une alternative intéressante à la manutention à terre.
La Métropole européenne de Lille a mis en place une logistique fluviale pour transporter des déchets ménagers qui sont valorisés par la méthanisation dans le CVO (centre de valorisation organique) et par incinération dans un CVE (centre de valorisation énergétique). Le CVO et le CVE sont respectivement implantés bord à voie d’eau au Sud et au Nord de la métropole. Les déchets à valoriser sont collectés et acheminés sur les deux sites de valorisation qui sont aussi des plateformes de tri et de stockage. Les déchets fermentescibles massifiés au Nord sont acheminés par barge jusqu’au CVO et réciproquement les déchets à incinérer au CVE.
Les collectivités sont compétentes en matière de déchets mais aussi de planification et d’urbanisme ce qui leur donne des leviers pour développer une logistique fluviale de transport de déchets (implantation des usines ou encore installation de stockage et de tri bord à voie d’eau).
Plus largement, les documents de planification sont un levier d’action intéressant pour les collectivités, par exemple la ville de Paris a fait le choix de réserver du foncier bord à voie d’eau pour la logistique fluviale, en le spécifiant dans son PLU. Les marchés publics sont également un levier d’action possible pour les collectivités, voir la mention du guide VNF dans le dernier paragraphe.
Les déchetteries fluviales sont une autre forme d’utilisation du potentiel de la voie d’eau au cœur des métropoles. Elles permettent de disposer de déchetterie en milieu urbain dense sans desserte par poids lourds. Elles ont été mises en œuvre à Paris et à Lyon.
D’autres déchets sont également transportés par la voie d’eau. Dès les années 80, des mâchefers (ici résidus d’incinération de déchets ménagers) ont été transportés sur la Marne. Des DIB (déchets industriels banaux), du papier et du plastique sont transportés sur le bassin de la Seine.
VNF, gestionnaire des voies navigables, un acteur actif pour développer la logistique fluviale
Voies navigables de France est un opérateur national qui porte trois missions principales : promouvoir la logistique fluviale, concourir à l’aménagement du territoire et assurer la gestion globale de l’eau. Côté logistique fluviale, il accompagne acteurs publics et privés dans le report modal vers le fleuve à travers la mise en réseau, la mise en action et la réalisation d’études de potentiel. Deux exemples concrets d’accompagnement :
le Plan d’aide au report modal (PARM) est destiné aux chargeurs qui portent des projets de logistique fluviale. VNF propose dans ce cadre un apport financier et une aide à la réalisation d’études logistiques, l’expérimentation du transport fluvial et l’investissement dans des équipements de manutention.
le guide pratique pour des achats publics durables et climato-responsables (boîte à outils juridiques) est destiné aux collectivités, afin de les aider à intégrer un maillon fluvial dans la logistique des appels d’offres de grands chantiers publics.
Les ports fluviaux sont également actifs et certaines collectivités sont très impliquées. Une solution de logistique urbaine fluviale, même éprouvée, nécessite une infrastructure notamment pour le stockage des marchandises, leur manutention et leur transfert entre modes de transport, etc. Pour cela, il est indispensable de mettre autour de la table les acteurs concernés, les acteurs publics tels que la ville, l’intercommunalité, VNF, les ports et les acteurs économiques à commencer par les logisticiens et les donneurs d’ordre. Il s’agit d’une démarche partenariale, démarche au cœur du programme InTerLUD en faveur d’une logistique urbaine plus durable.
