Zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) : un déploiement progressif au service de la qualité de l’air

Faire de la ZFE-m un levier réglementaire en faveur d'une approche globale de la logistique urbaine durable est un défi à relever à travers la concertation entre acteurs privés et décideurs publics. Retour sur les évolutions des Zones à Faibles Emissions mobilités issues de la loi Climat et Résilience.

En 2015, une commission d’enquête du Sénat[1] a fait état du coût économique et financier de la pollution de l’air en France. L’estimation, répartie entre les coûts sanitaires (coût pour le système de santé, mortalité, morbidité, perte de productivité) et non sanitaires (baisse de rendement agricole, dégradation des écosystèmes et perte de biodiversité, nuisances, dégradations des bâtis, dépenses de prévention et surveillance) s’élevait à 11 milliards d’euros annuel. Le transport étant l’un des principaux secteurs émetteurs de polluants de l’air (NOx et PM), il représente par conséquent un levier d’action important.

44 agglomérations ciblées pour agir sur la pollution des transports

Le coût de l’inaction en matière de qualité de l’air est donc bien plus important que celui de l’action. Les politiques publiques s’en saisissent par plusieurs leviers, dont celui du transport routier. Trois étapes progressives amènent à la construction des ZFE-m en vigueur aujourd’hui.

  • En 2015, la loi relative à la Transition Energétique pour la Croissance Verte (TCEV), donne la possibilité aux collectivités couvertes par un Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA) de mettre en place des zones de circulations restreintes (ZCR).

  • La loi d’Orientation des Mobilités (LOM) promulguée en 2019 renforce cette proposition en imposant à l’ensemble des collectivités qui dépassent de façon régulière les seuils de pollutions – en oxydes d’azotes (NOx) et particules fines (PM2.5 et 10) – une obligation de déploiement d’une zone à faibles émissions (ZFE). Cette obligation concerne alors 11 agglomérations (voir notre précédent article sur le sujet).

  • En 2021, la loi Climat et Résilience étend ces obligations à l’ensemble des 44 agglomérations françaises de plus de 150 000 habitants[2].

Cartographie des zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m) en France Métropolitaine Source : Ministère de la transition écologique, octobre 2021

L’apport de la loi Climat et Résilience (2021)

La loi Climat Résilience apporte d’importantes modifications au cadre réglementaire des zones à faibles émissions. L’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales est l’une des pierres angulaires de ce nouveau programme de déploiement, il prévoit notamment :

  • Toute agglomération de plus de 150 000 habitants[3] doit mettre en œuvre une ZFE-m d’ici le 31 décembre 2024 ;

  • Un transfert du pouvoir de police de circulation en matière de ZFE-m des maires vers le président de l’EPCI (auquel ils peuvent s’opposer sous certaines conditions[4]) ;

  • Un calendrier national de restriction de circulation dans les territoires à ZFE-m dépassant régulièrement les seuils de pollution de l’air. Ce calendrier n’est imposé que pour les véhicules dédiés au transport de personnes dont le PTAC (poids total à charge) est inférieur ou égal à 3.5t. A ce jour, il n’y a pas de calendrier à l’échelle nationale concernant le transport de marchandises.

Pour en savoir plus

Le droit à circuler dans les ZFE-m est définit par les vignettes Crit’Air des véhicules.

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Copyright : Olivier Boitet

Les étapes de mise en œuvre d’une ZFE-m

Les agglomérations qui ont l’obligation de mettre en place une ZFE-m doivent suivre une démarche en 4 phases, définies par la LOM.

1. Réalisation d’une étude d’opportunité intégrant :

  • L’évaluation de la qualité de l’air du territoire concerné ;

  • L’évaluation du parc roulant, c’est-à-dire la composition selon les vignettes Crit’Air (à noter qu’il n’existe pas de méthodologie définie, l’évaluation repose sur le système d’immatriculation des véhicule (SIV) et les données de contrôle technique) 

  • La proposition de scenarii de restrictions fondée sur les vignettes Crit’Air[5] et de périmètres géographiques ;

  • Une justification du scenario retenu à travers la modélisation de l’amélioration de la qualité de l’air et de la diminution de l’exposition de la population à la pollution atmosphérique, ainsi que les impacts socio-économiques attendus à l'échelle de la zone urbaine (Article L2213-4-1 du Code Général des collectivités territoriales)

2. Consultation pour avis des chambres consulaires, autorités organisatrices de la mobilité (AOM), conseils municipaux des communes limitrophes, gestionnaires des voiries.

3. Campagne de communication auprès du public d’au moins 3 mois.

4. Évaluation du dispositif et de ses retombées au moins tous les 3 ans.

L'enjeu clé de la concertation

Dans ce processus en 4 phases, la concertation auprès des acteurs économiques œuvrant sur le territoire n’est pas obligatoire, toutefois c’est une étape fondamentale pour la réussite du projet. La concertation permet, entre autres : 

  • D’analyser la faisabilité technique des mesures prises dans l’activité des différents secteurs ;

  • De mettre en exergue les besoins en dérogation, mais aussi ceux en accompagnement technique et financier ;

  • De faire participer davantage les acteurs économiques au processus décisionnel et de les intégrer dans une stratégie plus générale de logistique urbaine durable.

Vers un verdissement du parc de véhicules

Le levier réglementaire qu’est la ZFE-m permet d’inciter au renouvellement des flottes et s’inscrit dans une démarche nationale de transition vers un parc de véhicules plus propres et économes en énergie. Trois axes de travail principaux sont identifiés pour œuvrer en ce sens, dans les territoires concernés par les ZFE-m et ailleurs.

Choix des véhicules

Au-delà de la disponibilité des véhicules sur le marché, certains acteurs économiques peuvent avoir besoin d’être accompagnés dans le choix de leurs nouveaux véhicules. Les pouvoirs publics peuvent avoir un rôle à jouer dans ces situations, comme cela est le cas à Grenoble Alpes Métropole, qui met à disposition des entreprises de son territoire un dispositif de conseil individualisé afin d’identifier les alternatives « propres » en cohérence avec les besoins identifiés (plus d’informations ici).

Aides financières  

Pour les professionnels, les aides au renouvellement des flottes sont multiples, à l’échelle nationale et locale.

  • Prime à la conversion : jusqu’à 2500 € pour les véhicules particuliers ; de 5000 à 9000 € pour les véhicules utilitaires légers (VUL) et jusqu’à 1500 € pour les vélos à assistance électrique (VAE).

  • Bonus écologique : selon le modèle, jusqu’à 3000 € pour les VP, 5000€ pour les VUL (+1000€ pour les bénéficiaire en outre-mer) et jusqu’à 50000 € pour les poids lourds (PL).

  • Aide au rétrofit : financement de 40% du prix d’acquisition dans des limites financières selon la masse de référence du véhicule.

  • Surprime ZFE-m : financé par l’État dans le cas où la collectivités bonifie la prime à la conversion (dans la limite de 1000€[6]). Cela s’applique uniquement pour les professionnels justifiant d'un établissement dans une commune dont une partie du territoire est située au sein d’une ZFE-m.

À l’échelle locale, les agglomérations peuvent mettre en place des aides visant à répondre à ces besoins de financement. Cela implique d’évaluer les besoins du territoire selon les types de véhicules et d’énergies déjà présents localement, afin de maximiser leurs usages et leurs pertinences.

Avitaillement

L’usage d’un véhicule à énergie alternative repose aussi sur la capacité du territoire à répondre à cette nouvelle demande par un maillage territorial en stations d’avitaillement, installées sur le territoire en concertation avec les besoins de professionnels.

TransÉco - ZFE-m : une application opérationnelle

Développée dans le cadre du programme InTerLUD, cette application disponible au 3e trimestre 2022 permettra :

  • D’identifier les voies de circulation impactées et les véhicules concernés

  • De réaliser une veille réglementaire

  • De calculer des itinéraires multipoints tenant compte des spécificités des ZFE-m

A consulter

Nos questions-réponses de synthèse consacrées à l’impact des ZFE-m et aux usages des énergies alternatives, complétées par des témoignages de professionnels.

A venir

Dans le cadre du programme qualité de l’air du CEREMA, des fiches de retour d’expérience de mise en œuvre de ZFE-m par plusieurs collectivités seront publiées prochainement. L’objectif est de mettre en exergue les enjeux liés mise en place d’une ZFE-m sur la logistique urbaine et les recommandations pour l’accompagnement des acteurs.

[1] Rapport de Mme Leila Aïchi, CE coût économique et financier de la pollution de l’air n°610 TOME | (2014-2015) - 8 Juillet 2015

[2] Arrêté du 22 Décembre 2021 de plus de 100 000, 150 000, 250 000 habitants en (France métropolitaine et département d’Outre Mer) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044590127

[3] Arrêté du 22 Décembre 2021 établissant les listes d’agglomérations de plus de 100 000, 150 000 et 250 000 habitants conformément à l’article R. 221-2 du code de l’environnement et à l’article L.2213-4-1 du code général des collectivités territoriales

[4] Article L5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales

[5] https://www.certificat-air.gouv.fr/files/tableaux_classement.pdf

[6] Décret n° 2020-656 du 30 mai 2020 relatif aux aides à l'acquisition ou à la location des véhicules peu polluants et l’article D.251-8 du Code de l’énergie


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