Zones à faibles émissions mobilité : réponse à une urgence sanitaire

Selon une étude publiée en 2016 par l’agence Santé publique France, l’exposition aux particules fines peut réduire l’espérance de vie – d’une personne âgée de 30 ans – de plus de deux ans dans les agglomérations les plus polluées. En mars 2019, deux ONG, Respire et Greenpeace France, ont alerté l’opinion publique sur la pollution de l’air qui menace les établissements scolaires, notamment franciliens et marseillais. En Île-de-France, 5 % d’entre eux ont par exemple un air extérieur qui ne respecte pas le seuil maximal en matière de concentration de dioxyde d’azote (un gaz nocif pour la santé, émis principalement par les moteurs diesel en ville).

Ces enjeux sanitaires ne sont pas nouveaux. Depuis quinze ans, la mauvaise qualité de l’air dans les grandes métropoles a conduit un certain nombre de pays européens à prendre des mesures afin de restreindre, voire d’interdire, l’accès aux centres-villes aux véhicules les plus polluants. En 2015, Paris a été la première ville française à créer une « zone de circulation restreinte », suivie par Grenoble en 2017, la Métropole du Grand Paris en 2019 et la Métropole de Lyon en 2020 (en avril 2020, 247 zones à faibles émissions - ZFE - étaient dénombrées dans 13 pays européens ).

Plusieurs études internationales ont montré les bénéfices sanitaires de telles actions politiques.

Un appel à projets fondateur pour des collectivités mobilisées

L’Agence de la transition écologique (ADEME) et le ministère de la Transition écologique ont lancé en juillet 2018 un appel à projets « Zones à faibles émissions – Accompagnement pour déployer des zones à faibles émissions pour améliorer la qualité de l’air ». À l’issue de ce dernier, dix-neuf collectivités territoriales ont été retenues : Grenoble-Alpes Métropole, Métropole européenne de Lille, Métropole du Grand Paris, Plaine Commune, Eurométropole de Strasbourg, communautés de communes de la Vallée de l’Arve, Métropole Aix-Marseille-Provence, Toulouse Métropole, Montpellier Méditerranée Métropole, Métropole de Lyon, Saint-Étienne Métropole, Métropole Toulon Provence Méditerranée, communauté urbaine d’Arras, Clermont Auvergne Métropole, Métropole du Grand Nancy, Grand Annecy, Valence Romans Agglo, communauté d’agglomération de La Rochelle et Fort-de-France.

La grande majorité d’entre elles se sont engagées à réaliser des études de préfiguration, afin d’évaluer notamment l’impact de la mise en place d’une ZFE sur leur territoire (périmètre pertinent, catégories de véhicules à inclure dans le dispositif, incidence sur la qualité de l’air, organisation de la logistique du dernier kilomètre, etc.). Il est également prévu des expérimentations destinées à accélérer le renouvellement de véhicules anciens par des véhicules moins polluants. L’ADEME accompagne ces collectivités techniquement et financièrement (un budget de 1,3 million d’euros a été alloué à cet effet).

Zoom sur deux ZFE déjà lancées !

Paris et Métropole du Grand Paris

La ville de Paris est la collectivité locale française la plus en avance en matière de ZFE au vu des véhicules concernés et du niveau de restriction. L’interdiction du diesel dans Paris intramuros est programmée pour 2024, celle de tous les moteurs thermiques pour 2030.

La Métropole du Grand Paris a décidé de suivre l’exemple de la capitale en créant au 1er juillet 2019 une ZFE dont le périmètre est délimité par l’A86. Depuis cette date, les bus et poids-lourds construits avant 2001 ne peuvent plus circuler au sein de la ZFE MGP. Puis ce sera le tour des véhicules Crit’Air 4 (véhicules utilitaires légers diesel immatriculés entre 2001 et 2005) au 1er juin 2021, et ainsi de suite jusqu’à la disparition totale des moteurs thermiques en 2030.

En ce qui concerne Paris, depuis juillet 2019, les véhicules classés Crit’Air 4 ne peuvent plus circuler dans les rues de la capitale en semaine, entre 8 heures et 20 heures.

Métropole de Lyon

Le comité de pilotage de la ZFE du Grand Lyon a annoncé le 12 novembre 2020 vouloir « amplifier et étendre » sa zone à faibles émissions. Depuis le 1er janvier 2020 seuls les véhicules de transport de marchandises munis de vignettes Crit’Air 3, 2, 1 ou 0 sont autorisés à circuler. À compter de janvier 2021, les véhicules professionnels Crit’Air 3 ne sont plus autorisés.

Le président de la métropole Bruno Bernard souhaite désormais élargir le périmètre géographique de la ZFE, mais également l’étendre aux particuliers. Objectif : interdire définitivement le diesel en 2026. Pour parvenir à ce résultat, sont prévus un dispositif de soutien à l’acquisition de véhicules propres et d’importants investissements dans des solutions alternatives à la voiture (transports en commun, autopartage et covoiturage). Le Conseil de la métropole se prononcera sur ces évolutions en mars 2021.

Le Conseil de la métropole s’est prononcé le 15 mars 2021 en faveur d’un renforcement de la ZFE. À l’été 2022, les véhicules des particuliers Crit’Air 5 et non classés n’auront plus le droit de circuler dans la ZFE. Puis les véhicules Crit’Air 4, 3 et 2 seront progressivement interdits d’ici 2026

©Copyright Olivier Boitet

Un élan national renforcé par la Loi d’orientation des mobilités

Promulguée le 24 décembre 2019, la loi d’orientation des mobilités (LOM) a renforcé la mise en place de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Modifié par l’article 86 de la LOM, l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que :

  • des ZFE-m peuvent être créées dans les agglomérations et dans les zones pour lesquelles un plan de protection de l'atmosphère (PPA) est adopté, en cours d'élaboration ou en cours de révision en application de l'article L. 222-4 du code de l'environnement.

  • l'instauration d'une ZFE-m est obligatoire avant le 31 décembre 2020 lorsque les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1 du même code ne sont, au regard de critères définis par voie réglementaire, pas respectées de manière régulière sur le territoire de la commune ou de l’EPCI. Le décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020 vient préciser la notion de « dépassement régulier des normes de qualité de l’air ».

  • à compter du 1er janvier 2021, l'instauration d'une ZFE-m est également obligatoire, dans un délai de deux ans, lorsque :


    o les normes de qualité de l'air mentionnées dans l’article précité ne sont pas respectées de manière régulière, au regard de critères définis par voie réglementaire, sur le territoire de la commune ou de l'EPCI ;


    o les transports terrestres sont à l'origine d'une part prépondérante des dépassements.

La délimitation et la durée des ZFE-m, ainsi que les mesures de restriction de circulation applicables et les catégories de véhicules concernés, sont définies par arrêté. Lorsque la ZFE-m prévoit l'inclusion de routes nationales ou départementales situées hors agglomération, l'accord du représentant de l'État dans le département et du président du conseil départemental sur les mesures de restriction prévues est requis. Ces dernières fixées par l'arrêté doivent être cohérentes avec les objectifs de diminution des émissions fixés par le PPA.

Le projet d'arrêté, accompagné d'une étude présentant les mesures de restriction, justifiant leur nécessité et exposant les bénéfices environnementaux et sanitaires attendus (notamment en termes d'amélioration de la qualité de l'air et de diminution de l'exposition de la population à la pollution atmosphérique), est soumis pour avis – par l'autorité compétente – aux autorités organisatrices de la mobilité dans les zones et dans leurs abords, aux conseils municipaux des communes limitrophes, aux gestionnaires de voirie, ainsi qu'aux chambres consulaires concernées.

Lorsque le territoire de plusieurs collectivités territoriales est couvert par un projet de ZFE-m, ce dernier peut faire l'objet d'une étude unique.

La création d'une ZFE-m implique une campagne d'information locale d’au moins trois mois. Cette campagne porte à la connaissance du public le périmètre contrôlé ainsi que les restrictions de circulation mises en œuvre.

A minima tous les trois ans, l'autorité ayant pris l'arrêté évalue l'efficacité du dispositif au regard des bénéfices attendus.

Des modalités d’application précisées par le décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020

L’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) est complété par deux nouveaux articles du CGCT (D. 2213-1-0-2 et D. 2213-1-0-3) créés par le décret du 16 septembre 2020 relatif au non-respect de manière régulière des normes de la qualité de l'air donnant lieu à une obligation d'instauration d'une zone à faibles émissions mobilité.

L’article D. 2213-1-0-2 définit les valeurs maximales à ne pas dépasser en ce qui concerne les normes de qualité de l'air. Sont considérées comme ne respectant pas ces dernières de manière régulière les zones administratives de surveillance de la qualité de l'air dans lesquelles l’une des valeurs limites suivantes (article R. 221-3 du code de l'environnement) est dépassée au moins trois années sur les cinq dernières :

  • 40 µg/m³ en moyenne annuelle civile (ou 200 µg/m³ en moyenne horaire à ne pas dépasser plus de dix-huit fois par année civile) pour le dioxyde d’azote (NO2) ;

  • 40 µg/m³ en moyenne annuelle civile (ou 50 µg/m³ en moyenne journalière à ne pas dépasser plus de trente-cinq fois par année civile) pour les particules PM10 ;

  • 25 µg/m³ en moyenne annuelle civile pour les particules PM2,5 ;

Lorsque le territoire d’une commune (ou d’un EPCI dont le président dispose du pouvoir de police de la circulation) est inclus – partiellement ou totalement – dans une zone administrative de surveillance de la qualité de l'air considérée comme ne respectant pas de manière régulière les valeurs limites de qualité de l'air, la commune (ou l’EPCI) est également considérée comme telle.

Il existe toutefois des exceptions prévues par le décret. Respectent les normes de qualité de l'air les communes ou les EPCI qui démontrent :

  • par de la modélisation ou par des mesures réalisées conformément à l'article R. 221-3 du code de l'environnement, que les valeurs limites précédemment mentionnées sont respectées pour au moins 95 % de la population de chaque commune concernée.

  • que les actions mises en place, notamment celles prévues dans le cadre d'un PPA, permettent d'atteindre les valeurs limites précédemment mentionnées pour l'ensemble de la population de chaque commune concernée, dans des délais plus courts que ceux procédant de la mise en place d'une ZFE-m.

À noter que ces deux dispositions ne sont pas applicables aux métropoles au sens de l'article L. 5217-1 du CGCT, à la métropole d'Aix-Marseille-Provence, à la métropole du Grand Paris, à la métropole de Lyon ainsi qu'aux communes situées sur leur territoire.

L’article D. 2213-1-0-3 précise, quant à lui, les deux critères permettant de considérer les transports terrestres comme étant à l'origine d'une part prépondérante des dépassements de valeurs limites :

  • soit les transports terrestres sont la première source des émissions polluantes ;

  • soit les lieux concernés par le dépassement sont situés majoritairement à proximité des voies de circulation routière.

Pour ce qui est du premier critère :

  • en cas de dépassement de la valeur limite relative au dioxyde d'azote (NO2), les émissions à prendre en compte sont celles des oxydes d'azote (NOx) ;

  • l'évaluation des émissions est réalisée pour le territoire du plan de protection de l'atmosphère de l'EPCI ou de la commune concernée.

Des effets notables : 7 nouvelles ZFE-m vont voir le jour en 2021 !

©Copyright Hélène Haus

L’application du décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020 va entraîner la création de sept nouvelles ZFE-m dans les métropoles ne respectant pas de manière régulière les valeurs limites de qualité de l'air. Sont concernées :

  • Aix-Marseille-Provence

  • Montpellier-Méditerranée

  • Nice-Côte d’Azur

  • Rouen-Normandie

  • Strasbourg

  • Toulon-Provence-Méditerranée

  • Toulouse


Initialement prévue au plus tard le 31 décembre 2020, l’instauration de ces ZFE-m va être décalée à 2021 (notamment en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19). Dans les territoires qui ne seront manifestement pas en mesure de respecter les valeurs limites de qualité de l’air, les pouvoirs publics encadreront les restrictions de circulation des véhicules dotés de vignettes Crit’Air 5, 4 et 3 qui s’appliqueront à partir de 2023.

Un objectif clair d’ici à 2025 : l’extension des ZFE-m à 35 agglomérations

Dans le cadre du projet de loi Climat et résilience actuellement débattu à l’Assemblée nationale, le dispositif des ZFE-m devrait être étendu à 35 agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici 2025. L’État anticipe notamment un durcissement à venir des normes européennes de qualité de l’air en accord avec les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

La création de ces ZFE-m serait confiée au président d’EPCI afin de simplifier le processus administratif et garantir des mesures de circulation homogènes à l’échelle du territoire concerné.


retour aux actualités
Partager :

Ces actualités peuvent vous intéresser