Qui peut améliorer les conditions de circulation des marchandises en ville ?

Parce qu’elle recouvre l’ensemble des activités de stockage et circulation de marchandises, la logistique urbaine implique de nombreux acteurs. Acteurs économiques, acteurs institutionnels, particuliers, retour sur les spécificités de ces grandes familles, qui interagissent entre elles et dépendent souvent les unes des autres.

L’acheminement et la livraison de marchandises en ville font intervenir des acteurs qui évoluent dans un cadre réglementaire et une urbanisation qui dépendent des politiques publiques. La mise en œuvre du programme InTerLUD favorise, sur les territoires engagés dans la démarche, les concertations entre les acteurs privés et les acteurs institutionnels et l’émergence d’actions concrètes conciliant intérêts publics, collectifs, individuels et privés.

Des engagements et des actions, le point d’étape un an et demi après le début du programme. Version de juillet 2022.

Les acteurs économiques : un kaléidoscope d’activités

Les activités logistiques urbaines concernent une kyrielle d’acteurs aux activités extrêmement variées qui ont leur propres contraintes commerciales et organisationnelles. Trois grandes catégories d’activités peuvent être distinguées.

Des porte-paroles par secteurs d’activité

La représentativité des acteurs économiques concernés par la logistique urbaine est essentielle à la réussite des concertations. Dans le programme InTerLUD, les associations et organisations professionnelles représentatives identifient des représentants pour porter la voix de l’ensemble de leurs adhérents. À consulter : le tableau des principales représentations mobilisées.

1. LIVRER DES MARCHANDISES À DES CLIENTS

Indispensable à la vitalité des centres-villes, la livraison de marchandises à des particuliers (btoc) ou à des professionnels (btob) génère des flux de toutes natures (dont les conditions de transport peuvent être réglementées), des colis de toutes tailles (de quelques grammes à plusieurs tonnes) au moyen de véhicules de tous gabarits (du vélo cargo au véhicule utilitaire jusqu’au poids-lourds 19 tonnes).

Qui est concerné ? À côté des professionnels qui se déplacent pour réaliser leurs propres approvisionnements, le transport et la livraison de marchandises en ville est assuré par deux grands types d’acteurs. Ceux-ci regroupent de multiples spécialistes (selon les types de marchandises ou de mode de transport), chacun avec leurs propres contraintes commerciales, réglementaires, techniques et organisationnelles. Leur point commun est d’exploiter leurs véhicules de façon industrielle, à la recherche permanente de solutions d’optimisation qui permettent le moins de rupture de charge possible pour transporter une quantité la plus importante de marchandises.

  • Les grossistes : ces spécialistes sélectionnent, stockent, commercialisent et livrent, le plus souvent avec leurs propres camions, différentes gammes de produits, alimentaires ou non alimentaires. Leurs clients sont des professionnels, souvent situés en centre-ville, comme des pharmacies, restaurants, chantiers, prisons, etc. Une trentaine de secteurs d’activités relève ainsi du commerce de gros, des volailles aux produits de la mer, en passant par les fleurs, le matériel électrique, les pièces détachées, etc. Les grossistes regroupent 120 000 entreprises et 1 million de salariés en France.

  • Les transporteurs : ces prestataires de transport assurent pour des chargeurs (à l’origine du chargement) des livraisons à tous types de clients. La gamme des prestations varie selon le transporteur du simple transport à du stockage et de la gestion de stocks, en passant par des services spécifiques (déménagement par exemple). Les chargeurs peuvent aussi passer par un intermédiaire, le commissionnaire ou affréteur, qui organise le transport avec des sous-traitants et propose parfois des interfaces numériques pour suivre les données (traçabilité marchandises et véhicules, émission de GES). Les transporteurs regroupent 37 200 entreprises (en majorité des petites et moyennes entreprises) et 420 000 salariés en France.

Découvrir le travail du grossiste avec le témoignage de la société familiale Duval Boucharechas. Pierre et Jean-Christophe Gras distribuent des fruits et légumes, frais et transformés.

2. UTILISER DES VÉHICULES POUR SON ACTIVITÉ

Cette deuxième catégorie d’activité réunit des entreprises qui utilisent un ou plusieurs véhicules, indispensables à leur activité. Elles sont impactées par des enjeux logistiques majeurs.

Qui est concerné ? S’approvisionner, se rendre chez les clients, livrer ou encore stocker et recycler, chaque activité et chaque acteur connait différents besoins et contraintes pour pouvoir exercer :

  • Petit commerce : ces commerçants indépendants s’approvisionnent eux-mêmes en marchandises ou se font livrer. Dans cette catégorie, les commerces alimentaires et les café-restaurants ont besoin au quotidien de denrées nouvelles. Ces milliers de petites entreprises présentes en ville livrent parfois leurs clients avec leur propre véhicule ou par achat d’une prestation.

  • Grande distribution : dominée par une poignée de grandes enseignes, cette activité regroupe plusieurs milliers de points de vente de produits alimentaires ou biens de consommation spécialisée. À partir de centrales d’achat, ces grandes surfaces, présentes en périphérie des villes et en centres-villes, sont approvisionnées chaque jour avec de gros volumes de marchandises, avec leur propre flotte ou en faisant appel aux acteurs du transport (cf la première catégorie). La plupart proposent aussi de livrer leurs clients.

  • Producteurs : les producteurs locaux diversifient leurs canaux de distribution en livrant en direct des commerces/restaurants/particuliers.

  • Construction : pour construire, aménager et réparer des bâtiments (immeubles, locaux…) ou réaliser des travaux publics (routes, canalisations, ponts…), des centaines d’activités différentes se croisent sur les chantiers. Ce domaine est confronté à des problématiques logistiques bien spécifiques : de la livraison à l’évacuation de gros volumes de matériaux sur des chantiers avec des véhicules spécialisés (bétonneuse…) à l’intervention de multiples artisans qui transportent le plus souvent leur matériel dans leur véhicule utilitaire.  

A lire pour aller plus loin :

  • Déchet, recyclage, réemploi : aussi baptisée reverse logistics ou logistique retour, cette activité montante implique toutes les autres activités. La réglementation, qui vise à fabriquer mieux puis à gaspiller moins, et le développement du commerce en ligne génèrent de nouveaux besoins de récupération, tri des déchets (des matériaux de construction notamment) ou des invendus et favorise toute une filière du réemploi (des emballages notamment) qui modifient les pratiques de différents acteurs.

À découvrir, Les enjeux de la reverse logistics pour le transport de marchandises en ville. Et le témoignage de la société Pandobac qui travaille à des bacs réutilisables qui nécessitent d’imaginer de nouvelles boucles de livraison.

3. SOUTENIR L’ACTIVITÉ LOGISTIQUE

Cette troisième catégorie concerne des activités qui interagissent fortement avec les deux premières et qui évoluent à l’intérieur et hors de l’écosystème urbain. Chacune est au cœur d’enjeux bien spécifiques.

Constructeurs : ces professionnels à la conception et à la fabrication des gammes de véhicules adaptent leur offre aux énergies alternatives au diesel tout en répondant aux usages (engins TP, engins frigorifiques, utilitaires artisans).

Loueurs : très présents dans les domaines du transport-logistique et de la construction, ces prestataires de service prennent en charge la gestion et l’entretien des véhicules qu’ils louent pour une courte ou une longue durée, et assument un rôle de conseils auprès de leurs clients professionnels. Les loueurs font évoluer leur flotte en lien avec les constructeurs et les réglementations.

Concessionnaires et garagistes : vente et conseil, entretien et réparation des véhicules, des activités incontournables pour tous les utilisateurs de véhicules professionnels. Une activité qui intègre les motorisations alternatives au diesel, le rétrofit (conversion d’un véhicule diesel à une autre motorisation) et répond aux évolutions de service.

Énergéticiens : distributeurs, gestionnaires et installateurs se partagent le complexe marché de l’approvisionnement en énergies. L’emplacement de stations et l’installation de bornes d’avitaillement, privés ou publiques, nécessite des négociations au plus près des territoires avec la prise en compte des stratégies nationales, des usages des professionnels et des véhicules en circulation.

Pour en savoir plus sur la structuration de ces acteurs, lire le témoignage de Pierre Macionni du groupe Proviridis, un installateur de station multi-énergies.

Aménageurs : de la plateforme logistique en périphérie aux hubs urbains, un marché spécialisé en immobilier logistique a vu le jour. Promoteurs et aménageurs immobiliers mais aussi utilisateurs d’entrepôts (transporteurs-logisticiens, grande distribution…) via leurs filiales spécialisées investissent le marché, dans un contexte de rareté des surfaces en zone urbaine.

A lire pour aller plus loin :

Les enjeux des espaces logistiques urbains. Et les témoignages de Pierre-Alexandre Inwiller du groupe Transcan, transporteur qui investit des hubs urbains en Région PACA et de Fabrice Marteaux des Tripoteurs de l’Ouest qui revient sur les stratégies d’implantation de ses entrepôts

Développeurs de solutions : la palette des nouvelles solutions et expérimentations logistiques couvre un large champ de propositions : analyse des données, traçabilité, multimodalité, cyclologistique... De multiples acteurs de différents secteurs d’activité proposent de nouvelles offres de service pour accompagner les acteurs de la logistique dans de nouvelles pratiques.

Le site InTerLUD recense, avec France Mobilités, plus de 70 offres de solutions innovantes et répertorie des expérimentations développées sur les territoires.

Les acteurs institutionnels et la logistique urbaine : du cadre légal à l’organisation du territoire

Ce terme générique regroupe des acteurs œuvrant à différentes échelles territoriales. Leurs compétences et capacité d’action en matière de logistique urbaine varient selon les territoires et les dynamiques locales. Cet article cherche à en tracer les grandes lignes et à décrire les principales instances qui gravitent autour.

1. L’ÉTAT ET SES SERVICES DÉCONCENTRÉS

L’État pose le cadre réglementaire et législatif, à travers notamment la promulgation de lois, concernant le transport de marchandises. On retrouve parmi les plus récentes la loi MAPTAM, loi LOM, loi TECV, loi Climat & Résilience.

Les services déconcentrés de l’État assurent le relais, sur le plan local, des décisions prises par l’administration centrale. Certains peuvent être amenés à traiter le sujet de la logistique urbaine, c’est le cas des :

  • Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE),

  • Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

Ces services ont un rôle d’impulsion et contribuent au respect du cadre législatif et réglementaire national : code des transport, code de l’environnement, code de l’urbanisme, code de la route. Les services déconcentrés portent la parole de l’État et veillent à la cohérence des politiques publiques. Elles suivent pour cela les démarches locales et peuvent apporter un soutien technique voire financier à la mise en œuvre d’actions. Dans certaines régions, la DREAL copilote avec la Région les observatoires régionaux de la logistique/logistique urbaine.

Des documents et instances nationales fixent des objectifs et orientations en matière de logistique urbaine

C’est le rôle par exemple du Comité interministériel de la logistique (CILOG) et du rapport de la mission Logistique Urbaine Durable (octobre 2021) qui prévoit notamment la mise en place de conférences régionales de la logistique dans chaque grande région de France et la mise en place d’un Comité de liaison Logistique Urbaine Durable.

La première préconisation du rapport de la mission LUD décrit ainsi les objectifs de ce Comité de liaison, « former une communauté d’engagement et d’accompagnement des acteurs locaux autour du GART sur la logistique urbaine […] pour outiller, former et accompagner les principaux acteurs de la logistique urbaine, renforcer la capacité de mobilisation collective ».

Le programme de travail, proposé par le GART, est partagé au sein du Comité de liaison qui réunit l’ensemble des parties prenantes (constitué aujourd’hui par le GART, France Logistique, France Urbaine, Intercommunalités de France, Régions de France, la Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme, l’Association des Maires de France, le CEREMA, les auteurs du rapport LUD et la DGITM), dans le but deconstituer un lieu d’échanges, de remontée d’informations, de partage et d’articulation entre les initiatives prises par les différents acteurs. La principale plus-value du comité de liaison est de pouvoir formuler des propositions d’évolutions législatives et réglementaires et de les porter ensuite devant les représentants de l’Etat du fait de la présence de celui-ci au sein de ce comité.

2. LA RÉGION

Les régions ont de multiples compétences, en particulier sur les questions de développement économique. En matière de planification, les régions sont garantes de leur SRADDET (Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires). Elles ont également une partie de la compétence sur la protection de l’environnement, notamment à travers le PPA (Plan de protection de l’atmosphère). Depuis la loi LOM, elles peuvent être détentrices de la compétence AOM (autorité organisatrice de la mobilité) quand le président d’un EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) décide de la lui concéder.

À l’échelle d’une région, plusieurs instances ont un rôle à jouer en matière de logistique urbaine. C’est le cas par exemple des ORT(L) (observatoire régional du transport - et de la logistique), qui peuvent être en copilotage région et DREAL.

Depuis le rapport de la mission LUD (voir encadré Des documents et instances nationales fixent des objectifs et orientations en matière de logistique urbaine ci-dessus), des conférences régionales de la logistique doivent également être mises en place – elles le sont déjà sur certaines régions telles que l’Île-de-France et la Région Sud. 

Qu’est-ce qu’une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) ?

Une AOM est une personne publique compétente pour l’organisation des mobilités au sein de son ressort territorial. Il s’agit d’une AOM dite « locale » lorsque la compétence est portée par un EPCI (métropole, communauté urbaine, communauté d’agglomération), une communauté de communes ou un syndicat mixte. On parle d’AMO régionale, lorsqu’elle est portée par la région. Les AOM peuvent « organiser ou contribuer au développement des services de transport de marchandises et de logistique urbaine, en cas d’inexistence, d’insuffisance ou d’inadaptation de l’offre privée, afin de réduire la congestion urbaine ainsi que les pollutions et les nuisances affectant l’environnement » - article L1231-1-1 du Code des transports. Les AOM sont en charge du Plan de Mobilité (PDM) qui expose la politique mobilité (voyageurs et marchandises) et les actions inhérentes sur le territoire.

3. L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC DE COOPÉRATION INTERCOMMUNAL (EPCI)

L’intercommunalité regroupe plusieurs communes dans une entité juridique sous la forme d’une communauté urbaine, d’une communauté d’agglomérations ou d’une métropole. L’EPCI a les compétences suivantes : développement économique, mobilité (PDM(s)), urbanisme et planification (PLUi, PCAET, SCoT), protection de l’environnement (ZFE-m).  

Cette échelle est particulièrement intéressante pour traiter la question de la logistique urbaine, à travers des chartes concertées avec les acteurs économiques locaux – à la fois car des enjeux bien spécifiques s’y centralisent (environnementaux et de qualité de l’air, attractivité du territoire, sur le plan économique et de qualité de vie) et parce que l’EPCI a les compétences nécessaires pour la mettre en œuvre. 

Qu’est-ce qu’un Plan de mobilité (simplifié) – PDM(S) ?

La loi LOM redéfinit les outils juridiques qui permettent la construction et la mise en œuvre d’une politique de mobilité locale en fonction des besoins de chaque territoire. La planification locale de la mobilité se fait ainsi à présent au moyen de deux outils complémentaires :

  • le plan de mobilité (PDM), ex-plan de déplacements urbains (PDU), qui est obligatoire pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) dont le ressort territorial intercepte une agglomération de plus de 100 000 habitants. Cette obligation ne s’applique pas aux communautés de communes AOM et à la région lorsqu’elle est AOM. Le PDM est un outil doté d'une valeur juridique forte et les collectivités qui n'ont pas obligation d'en réaliser un, peuvent tout de même choisir de mettre en œuvre cet outil efficace sur leurs territoires.

  • le plan de mobilité simplifié (PDMS), à destination des AOM non contraintes à la mise en œuvre d’un PDM, et qui est conçu comme un outil simple et agile pour les territoires moins denses tels que les villes moyennes et les territoires ruraux. Il intègre l’ex-plan de mobilité rurale. Il s’agit d’une démarche volontaire.


4. LA COMMUNE

La commune est en charge des questions de voirie et d’occupation de l’espace public, de la réglementation du stationnement et de la circulation (pouvoir de police). Ce pouvoir peut être céder au président de l’EPCI à laquelle la commune est rattachée.  En matière de planification et urbanisme, la commune est en charge du PLU (plan local d’urbanisme).

Autres types d’acteurs pouvant être impliqués dans les démarches locales de logistique urbaine :

  • A travers de l’accompagnement, l’apport de connaissance technique, d’expertise, de financements : Cerema, Ademe

  • A travers la recherche et les travaux universitaires : Laboratoire Aménagement Economie Transports (LAET), Université Gustave Eiffel, etc.

  • Dans la mise en œuvre des projets de logistique urbaine : agence d’urbanisme, société d’économie mixte, bureau d’études, exploitants et gestionnaires d’infrastructures

  • Par la société civile : associations citoyennes, de protection de l’environnement, etc.



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