La logistique des chantiers : un enjeu urbain majeur

Les chantiers urbains, essentiels à l’amélioration à moyen et long terme de la qualité de nos villes représentent une source ponctuelle de nuisances, perturbent le cadre de vie des riverains. Les chantiers, qui font intervenir de nombreux corps de métiers, génèrent de multiples déplacements et stationnements de longue durée, des flux de matériel et matériaux volumineux et une quantité importante de déchets. L’espace urbain dense étant déjà par nature contraint, travailler à des solutions pour limiter à la fois l’impact sur le cadre de vie et sur l’environnement de ce secteur d’activité est essentiel.

En juin dernier, InTerLUD a organisé un évènement sur la logistique des chantiers, une dizaine d’intervenants, acteurs du BTP et techniciens des collectivités sont revenus sur les enjeux et défis de la filière du BTP ; des solutions d’optimisation des flux de chantiers ; des programmes de logistique inverse et gestion des déchets ; l’intégration de ces questions dans le cadre de concertations entre pouvoirs publics et acteurs privés.

La proximité avec les voies d’eau peut être un levier d’action important pour la logistique des chantiers. La voie fluviale permet d’acheminer des flux importants de matériaux entre les zones très denses et les périphéries des villes, entrepôts, usines de traitement, etc. sans passer par la route, évitant ainsi un engorgement important sur certaines zones. Les barges peuvent également servir de zone de stockage, libérant ainsi l’espace public.

• En Île-de-France, l’entreprise Point P approvisionne des chantiers en matériaux de construction par la Seine.

• Unibéton, acteur majeur du secteur des matériaux de construction, a mis en place un acheminement alternatif par voie d'eau pour alimenter les chantiers des villes en béton.

• A Strasbourg, la société ULS achemine du matériel de chantier dans l’hyper-centre depuis une plateforme en périphérie, et assure le dernier kilomètre en vélo-cargo.

• Dans le cadre de la construction du Grand Paris Express, la Société du Grand Paris évacue les déblais et déchets de chantier par la voie fluviale. Les matériaux sont ensuite acheminés vers des centres de tri.

Pour répondre à cette question, voici deux témoignages de bonnes pratiques et conseils :

• Thibaut Baladon, chef de projet logistique urbaine et mobilité électrique à Bordeaux Métropole, présente les grandes étapes de mise en œuvre d'actions par la collectivité à destination des usagers professionnels et particuliers dans le cadre des travaux de construction d'une nouvelle ligne de tramway

• Mathilde Calvalido (directrice de la stratégie) et Stéphane Zaouch (responsable coordination transport sur vente) du distributeur de matériaux de construction SGDB France (Saint-Gobain distribution bâtiment France), présente l’accompagnement proposé aux artisans du bâtiment pour faciliter leur inscription dans des schémas de logistique plus durable.

Le projet de la ZAC Gratte-Ciel Centre-Ville est piloté par le groupe SERL à l’initiative de la Métropole de Lyon, en lien étroit avec la ville de Villeurbanne. Il vise à prolonger et intensifier le centre-ville existant, par l’accueil d’ici 2030 de plus de 1 800 habitants supplémentaires, 1600 élèves, 40 commerces, des équipements et des bureaux. Cette opération de recyclage urbain combine une forte exigence environnementale et de qualité de vie, prise en compte à la fois dans la conception des bâtiments et espaces publics et dans la préfiguration des usages qu’ils accueilleront. Avec sa proposition de « Logistique en quartier dense apaisé », elle est lauréate de l’AMI « Démonstrateurs de la Ville Durable », lancé dans le cadre du programme France 2030 porté par l’Etat et piloté par la Banque des Territoires.

Création d’un modèle d’organisation de chantier sobre et performant
Entre 2023 et 2026, la ZAC accueillera trois chantiers de construction (68 000 m² SDP) réalisés par trois maitres d’ouvrage (Cogedim, Quartus, Rhône Saône Habitat) sur environ 3 hectares. Afin de limiter les flux de véhicules, réduire les nuisances associées et optimiser le tri des déchets et le stockage, plusieurs axes de travail seront développés d’ici mi-2023 :
•    Création d’une plateforme de stockage déportée et mutualisée entre les différents chantiers, permettant de limiter le foncier nécessaire au stockage sur site et de réguler les flux ;
•    Valorisation des déchets de chantier, grâce à une plateforme de tri mutualisée et une ressourcerie à destination des professionnels du BTP et des particuliers ;
•    Adaptation ou développement des outils numériques pour organiser les flux de véhicules vers et depuis le chantier (approvisionnements et déchets).
Les autres chantiers concomitants de la Métropole situés à proximité pourraient venir se greffer à ce système logistique.

Des réflexions complémentaires seront menées autour de ces sujets : mise en place d’un système de logistique inverse pour limiter la circulation de camions vides ; maximisation d’utilisation de véhicules verts en anticipation des prochaines étapes de la ZFE ; création de postes en insertion autour de la gestion des déchets de chantier ; collectes de données exploitables par les chercheurs et aménageurs…

Stratégie de réplication
L’une des volontés du projet est de développer des modèles de logistique (urbaine et de chantier) innovants pour apporter des réponses aux problématiques de l’intensification urbaine en tissu déjà dense, réplicables sur d’autres territoires. Parmi les ambitions du projet,
•    Construction d’une grille d’indicateurs pour analyser la réplicabilité (suivi d’indicateurs quantifiés, analyse des facteurs de succès et écueils),
•    Création d’une boîte à outils avec des éléments réutilisables (cahiers des charges types pour appel d’offre pour un logisticien, grille de modélisation des flux, etc.),
•    Communication et partage de connaissance auprès des institutionnels, des acteurs de l’urbain et du grand public.