Dark stores : un phénomène à réguler ?

Les dark stores, aussi connus sous les termes de magasins fantômes, ou encore entrepôts aveugles, participent à offrir un service de livraison très rapide, de l’ordre de 15 minutes. Le point sur ces espaces de stockage d’un nouveau genre associé à une vente en ligne par application mobile, qui bousculent les pratiques urbaines.

Quelles sont les caractéristiques des darks stores ?

Ces entrepôts, de taille moyenne, fermés au public, peuvent être vus comme des épiceries sans client (1). Ils répondent aux nouvelles tendances de consommation en livrant, en mode ultra-rapide, des produits alimentaires et ménagés commandés depuis une application en ligne.

© Cerema (E. Henry) - Entrepôt d'un dark store Cajoo – Villeurbanne, 2022

Chez Cajoo par exemple, une enseigne présente dans 8 villes françaises, les entrepôts ont une surface d’une centaine de mètres carrés ce qui permet de préparer les commandes en 2 à 4 minutes, pour ensuite les livrer dans un rayon de 10 minutes à vélo. 2000 références sont proposées au prix d’un supermarché de quartier grâce à l’achat des marchandises aux marques en direct ou auprès de grossistes à des tarifs avantageux.

Chez Gorillas, une autre enseigne apparue en 2021 en France, 2 000 à 2 500 références sont annoncées et « les consommateurs retrouvent 95 % des produits d'un Franprix traditionnel » (2) selon son directeur général France.

Capture d'écran de l'application Gorillas.

Un concept développé en France à la faveur de la Covid

La crise sanitaire de la Covid-19 et les confinements successifs ont accéléré des changements de comportements d’achat des Français : le commerce en ligne a connu un développement sans précédent et la vente en ligne de produits alimentaires a grimpé de 42 % en 2020 (3).

Si, dans ce contexte, le concept de dark stores se développe de façon importante en France, le phénomène est apparu bien avant aux États-Unis. En 2009, le groupe de distribution Tesco créé son premier dark store où « le point de vente et l’entrepôt ne font qu’un » (4) pour répondre à la demande croissante des commandes en ligne, traitées à l’origine dans les magasins Tesco classiques. Un concept largement inspiré des marketplaces (sites e-commerce multi-vendeurs) comme celles d’Amazon.

Deux grandes catégories d’acteurs

À l’image de Tesco, certaines enseignes historiques de la grande distribution en France se lancent aussi dans le « quick commerce », via des alliances avec de nouveaux acteurs : Monoprix a ouvert son premier dark store à Paris en mars 2019 (5) ; Carrefour lance Carrefour Sprint en octobre 2021 issu d’un partenariat avec Cajoo et Uber Eats (6) ; tandis que Casino s’associe à Gorillas (7). En favorisant ces partenariats, la grande distribution garde une certaine flexibilité et limite le risque, dans le cas où la livraison express à domicile peine à trouver sa rentabilité.

Les nouveaux acteurs concernés sont issus de l’écosystème des start-ups. Une enquête de l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme) comptabilise une dizaine d’entreprises sur ce créneau de la livraison rapide de produits d’épicerie, françaises, et aussi américaines, britanniques, allemandes, turques. Elles se sont toutes installées récemment en France, dans une quinzaine de ville en 2022, à grand renforts de levées de fonds spectaculaires. La même étude comptabilisait plus de 80 dark stores sur le territoire parisien et sa proche banlieue.


Un cœur de ville chamboulé

Face à la prolifération de ces magasins fantômes, plusieurs municipalités observent le phénomène avec méfiance et s’inquiètent d’un cœur de ville sans devanture. Camille Augey, adjointe à l’emploi et à l’économie durable du maire de Lyon, indiquait ne pas vouloir « d’une ville entrepôt, sans vitrine, où chacun reste chez soi » (10). Réticence partagée par Lionel Delbos, directeur chargé de l'économie des territoires chez France urbaine : « il y a un risque de déshumanisation, avec des centres-villes qui se vident de toute forme d'animation commerciale au profit de livreurs ou de systèmes de stockage locaux ». Des prises de positions partagées par les commerces de proximité qui dénoncent de leur côté cette nouvelle concurrence.

Outre la modification du tissu urbain induite par la création des dark stores, ces entrepôts représentent une réelle nuisance pour les riverains. Pour Sylvie, habitante proche d’un dark store du 14e arrondissement de Paris, interviewée par Radio France, « c'est un bruit lancinant de scooters qui démarrent non-stop ». Aux larges plages horaires de livraison (entre 8h et 1h) s’ajoute l’approvisionnement matinal, là où les places de stationnement ne sont pas forcément prévues.


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