Transport-logistique : quel accompagnement pour améliorer les conditions de travail et de santé des professionnels ?

2 750 000 journées de travail perdues en 1 an… c’est la conséquence des différents risques professionnels de certains métiers du transport-logistique. InTerLUD fait le point sur les initiatives menées pour inverser la tendance et sur le lien avec les spécificités urbaines.

Nantes ou encore Pau… parmi les 43 territoires engagés dans le programme InTerLUD, certains ont démarré des groupes de travail pour définir des plans d’action visant une logistique urbaine plus durable à l’échelle locale. Lors des échanges entre acteurs économiques et collectivités, la question des conditions de travail en zone urbaine et des difficultés de recrutement de conducteurs livreurs apparait comme un sujet à intégrer dans les réflexions.

La faible attractivité des métiers du secteur transport-logistique est pointée du doigt. Le contexte urbain (congestion, zones de déchargement inadaptées, stress au volant, incivilité et insécurité) conjuguées à certaines conditions de travail (charges lourdes, matériel insuffisant, horaires décalés, formation insuffisante, absence de lieux de repos, changements d’organisation, pression temporelle...) favorise cette tendance. Très investis sur le sujet, les représentants de la branche transport ont signé en mars 2022 une charte avec le ministère du travail, de développement de l’emploi et des compétences. Objectifs : répondre aux besoins de recrutement de la filière tout en renforçant son attractivité.

Parallèlement, différents programmes visent à soutenir les professionnels et à les encourager dans une démarche sociale globale, notamment pour réduire la fréquence des accidents du travail. InTerLUD fait le point sur ces initiatives et revient sur les spécificités d’une pratique en ville avec Christophe Cougnec, ingénieur conseil à la Carsat Sud-Est.

© Émilienne/Lilapik.com/INRS/2021. Chiffres sur les risques en Transport routier de marchandises.

FACT : un appel à projet destiné aux professionnels

C’est nouveau, inédit et innovant. Par délégation du ministère du Travail, l’ANACT (agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) gère un dispositif d’aide publique, le Fact (Fond pour l’amélioration des conditions de travail) destiné à soutenir des projets innovants en matière d’amélioration des conditions de travail. Un appel à projet dédié au secteur du transport et de la logistique a été lancé en juin dernier. Le dépôt des candidatures est ouvert jusqu’à fin septembre 2022.

InTerLUD participe au comité de suivi de ce programme aux cotés de France logistique, de l’OPCO Mobilités et de l’Assurance Maladie – Risques Professionnels.

Pourquoi ce programme ? Agir sur les problèmes d’attractivité, de fidélisation, d’absentéisme et plus largement sur les difficultés de productivité et les fragilités organisationnelles des entreprises de la filière logistiques.

Quel est l’objectif ? Financer différentes initiatives visant à soutenir des actions ambitieuses et innovantes, conduites par ou pour des TPE-PME de la filière. Il s’agit d’initiatives ciblées sur le champ de la prévention des risques professionnels et de l’amélioration de la qualité de vie au travail et des conditions de travail (QVCT). Les projets menés seront ensuite valorisés (outils, méthodes et bonnes pratiques) et mis à disposition des acteurs. Exemples de projets possibles sur le champ de la logistique urbaine : 

  • mener une étude sur l’incidence du développement des pistes cyclables sur les conditions de livraison des grossistes en boisson et de définir des leviers d’amélioration afin de réduire la sinistralité ;

  • ou encore, être conseillé pour conduire une action d’aménagement de desserte de nouveaux hubs urbains

Quelle que soit l’entrée choisie (prévention, santé, QVCT, dialogue social, aménagement d’espaces de travail, transition écologique, attractivité, égalité ...), il s’agit de proposer des démarches qui, tout en répondant aux obligations en matière de prévention des risques professionnels, renouvellent la manière d’aborder les enjeux d’amélioration des conditions de travail pour toutes et tous dans les TPE-PME de la filière Logistique.

Qui est concerné ? Sont ciblées les TPE-PME (entreprises de moins de 300 salariés) impliquées dans le transport-logistique. La filière est entendue au sens large : transport de marchandise et distribution, commerce de gros, entrepôts logistiques, approvisionnement/réception de marchandises. Les porteurs de projets peuvent être :

  • une TPE-PME, ou un regroupement de plusieurs entreprises,

  • des fédérations, branches ou associations professionnelles.

Quels projets peuvent être financés ? Le montant de la subvention accordée peut être variable selon le type de dossier déposé (individuel, collectif ; territorial, national). Le Fact peut prendre en charge des frais de prestations externes (accompagnement par un consultant, actions d’ingénierie de formation, de prestations liées à l'organisation de manifestations ou de supports de communication dans certains cas) et des frais liés à la coordination et à l’animation du projet. Se référer aux conditions relatives aux financements Fact.

Bénéficier d’un financement : dernière ligne droite

Le dépôt des dossiers pour cet appel à projet s’achève fin septembre 2022. Pour les professionnels qui souhaitent candidater, la demande est à déposer en ligne. En amont, le réseau ANACT peut vous accompagner dans les démarches pour monter un dossier conforme. La sélection des dossiers éligibles sera effectuée fin octobre.

Programme TMS pro de l’Assurance maladie

Source : © Assurance maladie-risques professionnels, 2022 (chiffres 2016-2017).

Triste privilège : avec une sinistralité 2 fois supérieure à la moyenne nationale, le transport/logistique fait partie des 7 secteurs d’activités particulièrement touchés par les TMS (troubles musculosquelettiques), des maladies qui touchent les articulations des membres supérieurs (épaule, coude, main, poignet et doigts) ainsi que le bas du dos. Les chiffres de l’Assurance maladie confirment la part écrasante de ce type de maladie professionnelle et pointe le coût que cela représente pour les salariés (séquelles parfois lourdes), les entreprises (journée de travail perdues, 2 mois en moyenne pour le dos ; désorganisation ; baisse de productivité ; dégradation du climat social).

Pourquoi ce programme ? Les troubles musculo squelettiques du membre supérieur (TMS) représentent depuis plus de deux décennies en France la première cause de maladies professionnelles. Face à ce constat, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (Cnam) a lancé, en 2014, le programme national TMS Pros visant à impulser une dynamique de prévention des TMS auprès des entreprises concernées par cette problématique.

L’origine des TMS étant multifactorielle (facteur biomécanique, organisationnel et psychosocial), il est primordial, pour les entreprises, d’identifier les activités de travail exposant leurs salariés à ces facteurs de risques afin d’agir pour préserver leur santé et leur sécurité, et gagner en performance.

Quel est l’objectif ? Accompagner les entreprises pour structurer une démarche visant à prévenir ou réduire durablement ces risques en réalisant un plan d’actions sur les situations les plus à risque identifiées. Il s’agit ainsi de contribuer à faire baisser significativement la sinistralité des TMS en rendant les entreprises durablement autonomes et proactives en matière de prévention.

Qui est concerné ? Toutes les entreprises peuvent mettre en place une démarche de prévention afin de lutter contre les TMS. Un quiz en ligne permet de savoir si l’entreprise est concernée.

Quelles sont les modalités ? La démarche, en 4 étapes, aide à structurer et à suivre le projet de prévention. Elle est accompagnée d’une offre de services composée d’outils pour établir un état des lieux initial, dépister et analyser les situations de travail, aider à la rédaction pour cadrer le projet, d’une offre de formation pour développer les compétences en entreprise ainsi que de témoignages d’entreprises qui ont mené à bien cette démarche. Planifiée, suivie et évaluée, elle se pilote comme un projet global. En outre, selon la taille de l’entreprise, des aides financières permettent de prendre en charge une partie des coûts de formation de la personne ressource ou une étude ergonomique ; d’acheter du matériel ou de former les salariés.

 

Pour s’engager dans la démarche consultez l’espace dédié où les outils du programme sont en libre accès et contactez votre service de santé au travail et votre Carsat/Cramif/Cgss.

3 questions à Christophe Cougnenc, Ingénieur Conseil Paca Corse pour la Carsat sud-est(assureur du risque professionnel).

1. Pourquoi vous intéresser particulièrement aux problématiques du dernier km ?

Avec l’émergence des contraintes écologiques, la gestion du « dernier kilomètre » en milieu urbain est devenue un enjeu majeur en termes de performance économique et de conditions de travail pour les entreprises des secteurs du transport et de la logistique. En Effet, entre 25 et 30 % du coût de la livraison est dédié à la gestion du dernier kilomètre. Dans un contexte de distribution avec des flux tendus et à haute fréquence, le milieu urbain contribue à la sinistralité importante de ce secteur avec près de 9 accidents de travail sur 10 à l’arrêt dans le transport routier de marchandises.

On est dans le cadre d’une approche filière avec de nombreux acteurs à intégrer dont les acteurs économiques (transporteur, plateforme logistique, magasins de vente…) mais aussi les collectivités locales en charge de l’aménagement urbain. Il faut prendre en compte l’ensemble de ces paramètres dans l’équation de la prévention.

La gestion du dernier kilomètre en milieu urbain est donc devenue un véritable enjeu socioéconomique du XXIe siècle. Elle pose la question de l’optimisation des livraisons directes.

 

2. La Carsat sud-est mène une action TRM-log : quels sont vos objectifs au niveau régional ?

Notre démarche s’intègre dans le cadre du Programme de Prévention Régional Transport et Logistique 2019-2022, la Carsat-sud-est étant l’assureur des Risques Professionnels.

De manière très synthétique, il s’agit de contribuer à l’amélioration des situations et conditions de travail pendant les opérations de chargement-déchargement des marchandises afin de prévenir et d’intervenir sur les risques prioritaires : TMS et risques issus des interfaces quais (chutes, écrasements). Et cela dans le cadre d’une approche filière, à tous les stades d’une chaine logistique entre les transporteurs et les acteurs de la chaîne : fournisseurs et distributeurs, plateformes logistiques /entrepôts, magasins livrés (écosystème) 

Concrètement nous travaillons sur la mise en œuvre de dispositifs :

  • Techniques (dispositifs de liaison quais-camions par exemple) ;

  • Organisationnels (protocole de sécurité qui permet de savoir qui fait quoi et permet de s’assurer de l’adéquation entre les taches et le matériel nécessaires à leur réalisation dans de bonnes conditions de travail) ;

  • Et humains (dispositif de formation permettant une montée en compétences sur le champ de la prévention et capacité à agir en prévention, aussi bien au niveau des dirigeants, que des animateurs prévention ou du personnel).

 

3. Quel est l’intérêt de votre présence sur des groupes de travail organisés par les collectivités dans le cadre du programme InTerLUD ?

La livraison en milieu urbain fait intervenir les collectivités locales qui ont un rôle essentiel dans la gestion de l’espace public, avec des conséquences sur la prévention des risques professionnels auprès des salariés et des entreprises.

Nous nous devons de repositionner l’humain (les salariés, les décideurs…) au cœur de la performance logistique et urbaine et dans le cadre d’une approche filière. Il s’agit donc pour nous d’intégrer un groupe de réflexion d’acteurs économiques, en lien avec les collectivités locales, afin de pouvoir identifier des leviers pour lier performance et prévention des risques professionnels liés à ces activités, initier un questionnement auprès de l’ensemble des acteurs pour qu’ils intègrent tous le volet prévention dans leurs réflexions, puis de capitaliser et déployer des bonnes pratiques.

Ces leviers en termes de prévention peuvent agir aussi bien sur des aspects techniques, humains, organisationnel voir sur la conception des locaux et l’aménagement des zones urbaines. Au niveau de la Carsat sud-est nous sommes convaincus qu’il est impératif d’engager une démarche globale de l’ensemble des acteurs pour que la prévention des risques professionnels devienne un atout à part entière du développement de cette activité.

© Émilienne/Lilapik.com/INRS/2021. Chiffres sur les risques en Messagerie-fret express.

Programme Transportez-vous bien (TVB)

Besoin d’accompagner les salariés sur des sujets de santé au travail ? Carcept-prev, l’organisme assureur qui gère le régime de protection sociale de toutes les entreprises de la branche transport, a concocté un programme modulable, tout en simplicité.  

Renforcer l’attractivité des métiers

Signée en juin 2022, une convention de partenariat entre l’OPCO Mobilités et Carcept-Prev vise à promouvoir les métiers du transport. Parmi les actions, une valorisation des solutions et projets dans le domaine de la Qualité de la Vie au Travail avec le Trophée Fondation.

Pourquoi ce programme ? Répondre aux enjeux de santé des professionnels du transport

Quel est l’objectif ? Pousser les salariés à mener des actions de préventions (rdv de suivi santé, formation, séances de coaching en nutrition, sommeil, cardio, douleurs chroniques). Chaque action rapporte des points qui se transforment en prestations (soutien psy, ergothérapeute, …) en cas de coup dur (arrêt de travail).

Qui est concerné ? Conçu pour les salariés non-cadres du transport routier et transport urbain (accord cadre du 20 avril 2016)

Quelles sont les modalités ? Inscription en ligne sur une plateforme dédiée, sans rien à débourser.

Des ressources pour comprendre et prévenir les risques

Sous l’égide de l’Assurance maladie, l’INRS (santé et sécurité au travail) a élaboré des fiches solutions utiles pour un transport livraison en ville :

  • Sécuriser les chargements et les déchargements sans quai

  • Sécuriser les accès aux véhicules et les zones de circulation piétonne

  • Organiser la prévention des risques de collision entre les engins et les piétons

  • Bien choisir et organiser un VUL (véhicule utilitaire léger)

Ainsi que des contenus spécifiques à la Messagerie-Fret express (dépliant et outil d’évaluation des risques)

L’INRS propose aussi TutoPrèv, un outil de planches illustrées pour repérer les situations à risque et rechercher des solutions de prévention à mettre en œuvre ; complété par des ressources pédagogiques à destination des tuteurs d’entreprise et des formateurs. Une des situations de travail illustrée porte sur la livraison en milieu urbain.

Enfin un outil métier, baptisé Oira, permet aux TPE de travailler à l’évaluation des risques : 3 ressources concernent le secteur du transport de marchandises.

 


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